Dong Guicheng se réveille tous les matins en espérant voir la pluie arriver, mais chaque jour qui passe désespère le paysan du Yunnan: c'est la pire sécheresse en un siècle.
Comme des bataillons de Chinois du sud-ouest de la Chine, Dong se rend chaque jour à un réservoir afin de chercher de l'eau pour ses marronniers et noyers, qui n'ont quasiment pas reçu une goutte de pluie depuis six mois.
Sa famille a à peine assez d'eau à boire, il n'a pas pris de bain depuis des semaines, et Dong a peur de voir ses revenus réduits de 80% cette année.
"Je suis très inquiet", dit-il, en remplissant avec sa femme, Dao Haiyan, un jerrycan rouillé avec l'eau du réservoir dont le niveau baisse dangereusement, à deux kilomètres de chez lui.
"S'il ne pleut toujours pas, je n'aurai aucun revenu. Il n'y a même pas de mots pour les conséquences", dit-il en lançant son poing vers le ciel.
La sécheresse qui affecte les provinces du Yunnan, du Guizhou, du Sichuan et la région du Guanxi ainsi que la métropole de Chongqing est la pire en un siècle.
Elle a dévasté les récoltes, fait monter les prix, et mis en exergue les problèmes chroniques de pénurie d'eau en Chine.
Depuis septembre, il a plu deux fois moins qu'à l'habitude, et le Yunnan normalement verdoyant est devenu une zone de catastrophe naturelle desséchée, avec ses réservoirs qui se vident et se craquellent, ses rivières à sec.
Dans les pays voisins traversés aussi par le Mékong, Laos ou Cambodge, la sécheresse sévit aussi.
Les cultures en terrasse du Yunnan qui devraient être luxuriantes ressemblent à des déserts couleur sable, la terre normalement riche et grasse est devenue dure comme de la pierre.
Partout dans la campagne, des hommes et des femmes portent, avec des palanches, des seaux d'eau, souvent sur de longues distances.
Plus de 60 millions de personnes sont touchées par la sécheresse, dont 18 millions n'ont même pas assez d'eau potable. Onze millions d'animaux non plus. Et les chiffres augmentent de jour en jour.
Des pénuries de sucre, riz, thé et fleurs fraîches ont fait bondir les prix, à un moment où les autorités font tout pour éviter un retour de l'inflation.
Les ressources hydro-électriques de cette vaste portion du territoire chinois se tarissent. Les médias ont annoncé la semaine dernière que 90% des stations hydro-électriques du Guizhou étaient paralysées.
Il faudra attendre pour établir un bilan économique exhaustif, mais les pertes directement liées à la sécheresse atteignent déjà près de 2,25 milliards d'euros.
Dans le seul Yunnan, des centaines de réservoirs vitaux pour les villageois sont asséchés ou sur le point de l'être, selon la presse officielle.
L'eau du robinet ne coule plus dans beaucoup de localités et les habitants tombent malades car ils consomment de l'eau non potable.
Depuis des millénaires, la Chine affronte l'alternance de sécheresse et d'inondations, mais tout le monde parle aujourd'hui du manque d'eau.
"J'ai 64 ans, et je n'ai jamais vu une telle sécheresse", dit Cai Yichang, un paysan qui vit près de la ville de Yiliang.
Montrant ses cultures en terrasse poussiéreuses alors qu'elles devraient être verdoyantes, il explique qu'il a dû semer des oignons et n'a pas pu planter son maïs de printemps. Il risque de voir son revenu annuel de 20.000 yuans (2.000 euros) amputé de moitié.
Selon la météorologie, qui explique la sécheresse par le réchauffement climatique et la déforestation, celle-ci pourrait durer jusqu'en juin, voire plus, et les efforts pour tenter de provoquer la pluie artificiellement ont échoué en raison de l'absence d'humidité dans l'air.
Les autorités ont fait acheminer de l'eau dans les endroits les plus touchés, détourné des cours d'eau d'urgence et fait creuser des milliers de puits.
C'est loin de suffire, pour Dong. "On ne peut compter que sur nous-mêmes pour apporter l'eau jusqu'aux champs", lance-t-il.
Sources ORANGEPosté par Adriana Evangelizt